Dossier : Les 108 Spectres d'Hades
Les Spectres d'Hadès : Une Armée Ténébreuse qui Éveille la Guerre Sacrée
Depuis les temps mythologiques, une redoutable armée accompagne le retour d'Hadès sur Terre lors de sa réincarnation. Ces guerriers maléfiques, au nombre de 108, revêtent des armures sombres, appelées surplis, qui évoquent la mort elle-même. Lors de la précédente guerre sainte, il y a 243 ans, Athéna emprisonna leurs esprits dans une imposante tour située à Rozan, en Chine, à proximité des cinq pics anciens sous la surveillance du vénérable maître Dokko. Malheureusement, le sceau d'Athéna a fini par se détériorer, libérant ainsi les esprits des spectres et déclenchant une nouvelle guerre sainte.
Kurumada, le brillant dessinateur de Saint Seiya, semble avoir puisé son inspiration dans une multitude de sources pour créer la partie ultime de son manga, Hadès, avec ses spectres. D'une part, il s'est inspiré de "La Divine Comédie", l'œuvre de l'écrivain Dante Aligheri, pour concevoir la structure des enfers, et certainement pour imaginer certains spectres résidant dans le Mekkei (l'enfer) comme Lune. Les spectres sont également étroitement liés au mythe de la boîte de Pandore, ainsi qu'au roman populaire chinois "Au bord de l'eau".
Bien
sûr, comme dans toute la série, Kurumada fait référence à la mythologie grecque, avec les trois juges des enfers : Radamanthe, Eaque et Minos, le passeur du Styx Charon, le spectre Rock du Golem qui rappelle le mythe de Sisyphe, Gigant du Cyclope, et bien d'autres encore. Il intègre également des éléments de la mythologie égyptienne avec le spectre Pharao, ainsi que des récits héroïco-fantastiques à la manière de Tolkien et de l'univers des jeux de rôle. Parmi les spectres, on retrouve Lune de Balrog, Rock du Golem, Yvan du Troll, Sylphid du Basilic, Valentine de la Harpie, et bien d'autres encore. Ainsi, l'univers des spectres d'Hadès dans Saint Seiya nous plonge dans un tourbillon d'influences mythologiques, littéraires et culturelles, où chaque personnage incarne une facette unique de ce vaste monde fantastique. C'est un hommage passionnant à la richesse des récits et des légendes qui ont façonné notre imaginaire collectif.
LE MYTHE DE LA BOÎTE DE PANDORE : Les 108 Fléaux de l'Humanité
Puisant ses racines dans la mythologie grecque...
Pour châtier Prométhée, qui avait osé dérober le feu divin, Zeus ordonna à Héphaïstos de forger une créature inédite : Pandore, une femme d'une beauté ensorcelante, parée de toutes les séductions morales et physiques, à l'exception de la curiosité et de la fourberie que lui accorda Hermès. Les dieux confièrent à Pandore une boîte qu'elle ne devait jamais ouvrir, puis la remirent à Epiméthée, frère de Prométhée. Malgré les avertissements de son frère, Epiméthée épousa Pandore. Cependant, la curiosité de la jeune femme l'amena à ouvrir la boîte interdite. À l'intérieur de celle-ci se trouvaient tous les maux susceptibles de tourmenter l'humanité, tels que le vice, la maladie, le travail, la paresse, la vieillesse, la folie, la passion... Tous ces fléaux se libérèrent et se répandirent sur Terre. Au total... 108 maux, tout comme le nombre de spectres d'Hadès dans notre manga ! Seul l'Esprit de l'Espoir, le 109e, demeura au fond de la boîte pour consoler l'humanité.
Revenons à notre histoire !
Dans l'univers de Saint Seiya, Kurumada relie habilement ce mythe au présent. Cette fois-ci, une jeune fille prénommée également Pandore se promène un jour avec son fidèle chien dans le jardin du château familial, le château d'Einstein en Allemagne. Par curiosité, elle pénètre dans une petite cabane malgré les avertissements de son père et y découvre un coffret scellé arborant le symbole d'Athéna. Incapable de résister à la tentation, elle brise le sceau et ouvre le coffret, libérant ainsi les âmes de deux dieux : Hypnos, dieu du sommeil, et Thanatos, dieu de la mort, annonçant le prochain retour d'Hadès sur Terre, le dieu grec des enfers et de la mort. La suite est inéluctable : à chaque retour d'Hadès sur Terre, ses 108 guerriers, appelés spectres ou "étoiles maléfiques", se réveillent et se réincarnent dans des êtres humains choisis par le destin, se libérant de la prison où Athéna les avait enfermés depuis longtemps. Tout comme dans la légende, notre Pandore est curieuse et se développe en une femme d'une grande beauté. Par son acte, elle libère 108 fléaux sur la Terre, symbolisés ici par des "guerriers de l'enfer" au service d'Hadès. On peut saisir toute la métaphore puissante de Kurumada, les spectres incarnant clairement les différents maux que la mythologie grecque considérait comme asservissant l'Homme. Dans la légende, l'Espoir reste au fond de la boîte. Dans notre histoire (Saint Seiya), nos héros se retrouveront face à une porte en enfer portant l'inscription "Celui qui la franchit perd tout espoir". La question cruciale sera de savoir s'ils réussiront à faire triompher cette minuscule lueur d'espoir malgré tout, "jusqu'au bout de l'enfer", pourrait-on dire, puisque la majorité des combats se dérouleront au royaume des morts. Pour cela, je vous renvoie à l'histoire et à ma section Guide (partie Hadès) !!!"
LE ROMAN "AU BORD DE L'EAU" et ses 108 héros
Le roman chinois "Au bord de l'eau" est une œuvre très populaire, initialement écrite par Shi Nai-an au XIVe siècle. Sa renommée en Asie est comparable à celle de l'Iliade et de l'Odyssée d'Homère pour les Grecs. Son origine est quasi légendaire, car le livre, qui constitue un véritable "fleuve romanesque" de 2000 pages, a été écrit en plusieurs étapes par différents auteurs, dont certains n'ont même pas été identifiés. La première version est généralement attribuée à Shi Nai-an, tandis que Jin Sheng Tan (XVIIe siècle) est responsable d'une version aboutie et truculente de l'œuvre, à laquelle il a apporté sa touche de génie en ajoutant des chapitres, entre autres.
L'histoire se déroule en 1058 et relate les exploits de 108 brigands à l'époque de la dynastie Song. Ces brigands se sont rebellés contre le pouvoir impérial qu'ils jugeaient arbitraire, et ont ainsi instauré leur propre justice. Parmi eux se trouvaient des individus de toutes les couches de la société. Chacun de ces brigands était associé à une étoile, rappelant étrangement nos spectres dans Saint Seiya, qui sont également liés à une "étoile maléfique". Le roman "Au bord de l'eau" semble s'inspirer de faits réels et se termine tragiquement pour les 108 héros qui succombent sous les coups du bourreau. Il convient de noter que ces brigands, loin d'avoir une connotation négative, deviennent attachants au fil des descriptions et de leurs actions dans le livre. On peut remarquer ici l'esprit de Saint Seiya, qui s'éloigne du manichéisme simpliste d'autres œuvres, que ce soit dans le manga, le cinéma ou la littérature. En réalité, il s'agit surtout d'une critique de la hiérarchie impériale de l'époque en Chine. Je suis en train de le lire en ce moment et je le recommande vivement à tous, car son style est très agréable et chaque personnage est profondément développé.
Il est évident que Kurumada s'est inspiré des "chevaliers aux 108 étoiles" du livre pour créer ses 108 spectres ou "108 étoiles maléfiques". Mais ce n'est pas tout : dans le livre, il est question d'une stèle miraculeuse, venue du ciel, qui recense les noms, les qualités et les destins des 108 héros des Marais des Monts Liang. Cette stèle rappelle énormément la célèbre "tour de Rozan" dans Saint Seiya Hadès, où les esprits des spectres étaient emprisonnés par Athéna et surveillés par Dokko. De plus, dans le livre, les héros sont hiérarchisés en "72 astres terrestres et 36 astres célestes", ces derniers formant une sorte d'élite. C'est probablement l'origine de la subdivision opérée par Kurumada entre les spectres "aux étoiles célestes" et "aux étoiles terrestres".
Un lien avec la supernova de 1054 ?
En 1054, les astronomes chinois ont observé la supernova la plus célèbre de l'histoire : celle qui a ensuite donné naissance à la célèbre nébuleuse M1, également appelée nébuleuse du Crabe, dans la constellation du Taureau (voir image). Les supernovae sont les phénomènes astrophysiques les plus violents de l'univers et correspondent à l'agonie apocalyptique d'une étoile massive qui expulse brutalement toute sa matière dans l'espace lors d'une explosion spectaculaire. L'étoile devient parfois aussi lumineuse qu'une galaxie entière. La supernova de 1054 est apparue le 4 juillet 1054 et a été visible pendant 21 mois, avant de disparaître définitivement le 17 avril 1056.
Il est intéressant de noter que le début de notre histoire se déroule en 1058, à peu près à la même époque. Il est possible que la supernova, qui était parfois visible en plein jour, ait inspiré la légende des étoiles associées à nos héros. C'est du moins ma petite hypothèse personnelle. Dans le roman, la stèle miraculeuse renfermait les esprits d'anciens rois-démons de Chine, emprisonnés par de grands maîtres taoïstes. C'est Hong Xin, le maréchal de l'empereur, qui les libère, et l'auteur décrit alors le phénomène comme 108 rayons s'échappant avec un bruit assourdissant pour rejoindre le firmament, se transformant ainsi en autant d'étoiles (on remarque une similitude frappante avec la première scène de la partie Hadès de Saint Seiya). Des cataclysmes s'abattent ensuite sur la Chine, semant le chaos et ébranlant les fondements mêmes de l'autorité impériale. À la fin du roman, on apprend que les 108 étoiles correspondant aux rois-démons se sont incarnées en les 108 héros-brigands, un peu comme dans Saint Seiya, où les esprits des étoiles maléfiques des spectres d'antan (guerre sacrée de 1743) se réincarnent en êtres humains de notre monde à la fin du XXe siècle, comme le confirme l'un des spectres, Gigant, avant de mourir, lorsqu'il parle à Shaka.
Les cataclysmes décrits dans le roman ne sont certainement pas anodins et rappellent la période troublée de la Chine à cette époque, où le pouvoir impérial était menacé par de nombreux groupes dissidents. De plus, il est possible que les Chinois, effrayés par la supernova de l'époque (mon hypothèse personnelle), lui aient attribué ces désastres, ce qui a donné lieu à toutes sortes de légendes, jusqu'à l'écriture de ce roman. C'est ainsi que l'histoire de la Chine et la légende se mêlent à un événement astronomique pour inspirer un roman populaire, qui à son tour inspire notre cher Kurumada. Cela prouve une fois de plus que, décidément, tout a un sens dans Saint Seiya ! Même les noms farfelus des spectres, pour ceux qui en doutaient encore !
LES 108 PERLES DU COLLIER DE SHAKA ET DU MALA BOUDDHISTE
Je mentionne également ce collier sur la page consacrée à Shaka de mon site. Le mala est le collier de prières des bouddhistes, utilisé pour compter le nombre de répétitions du nom de Bouddha ou de syllabes sacrées telles que les mantras. Il est composé de 108 perles (encore une fois, 108 !), tout comme le collier de Shaka. Cette similitude nous permet de mieux comprendre l'aspect presque religieux de la scène de l'OAV 8, où Shaka égrène lentement les 108 perles de son chapelet tout en comptant les spectres morts, comme s'il s'agissait d'un rituel. Le mala est porté à la main ou enroulé autour du poignet gauche et ne quitte jamais son propriétaire. Le terme "mala" signifie "guirlande" (de perles). Les perles sont comptées en les faisant glisser de haut en bas (vers le sol), symbolisant ainsi le fait de libérer les êtres de la souffrance (d'où le parallèle avec le fait de "détruire les spectres" et d'éliminer les passions négatives). Il est évident que Kurumada s'est inspiré de ce nombre important de 108 pour le nombre de spectres, symbolisant les souffrances de l'humanité dans le bouddhisme, un peu comme les maux contenus dans la boîte de Pandore ! C'est ainsi que se crée un scénario captivant, pour ceux qui en doutaient encore.
Il est intéressant de noter que cette importance sacrée du chiffre 108 se retrouve dans de nombreux autres éléments. Le célèbre singe Sun Wukong (héros du Voyage vers l'Ouest) aurait un jour franchi d'un bond une distance de 108 000 lis. De même, les voyageurs accompagnant San Cang dans